samedi 26 juin 2010

Zs : "New Slaves" (The Social Registry, 2010)



Encore de la musique excitante. Les disques dont j'aimerais parler dans ce blog s'accumulent à une vitesse fulgurante et je prends beaucoup de retard dans leur écoute et leur digestion. De plus, les nouvelles entrées abondent et j'ai du me faire une liste pour ne pas en oublier. Au sommet de ma liste, depuis près d'un mois, se trouvait "New Slaves".

Je me souviens l'année dernière dans le cadre du Suoni per il Popolo,je me suis déplacé à la Sala Rossa pour voir le spectacle de Chris Corsano et Six Organs of Admittance. Ce spectacle était annoncé relativement tôt et le mot se passait qu'ils allaient commencer à l'heure. Je suis donc arrivé un peu d'avance pour finalement apprendre qu'un autre groupe s'était ajouté et avait déjà commencé., J'ai pu capter les dernières minutes du set d'un groupe New-Yorkais nommé Zs. Une dernière pièce quand même intéressante, un placement sur scène circulaire, saxophone, guitares et batterie et trouvant dans un feu croisé de rock-noise fortement inspiré de free-jazz. J'ai pu aussi être témoin du plus intense battements de main sur des cuisses de la part du saxophoniste. C'était fort, lourd, intense et ça tirait de tous les côtés. J'ai hésité à acheter un de leur cd et finalement me suis abstenu par manque de moyens.

Il y a quelques mois, le label The Social Registry a fait paraître le nouvel album de Zs, intitulé "New Slaves". Percussif, bruitiste, free, follement intense... Les montées d'adrénaline se succèdent les unes à la suite des autres,pour créer une écoute hautement participative pour un disque iconoclaste.

Zs ont crée une oeuvre intersidérale, teintée d'électroniques éclatés, d'effets de distorsion qui se déplace dans l'espace temps, allant emprunter certaines teintes au Krautrock par des rythmiques de type "motorik", s'inspirant du free-jazz, du noise et même du métal pare moment, dans l'intensité des guitares électriques.Dans ce voyage spatial, des fils électriques de haute-tension sont tendus un peu partout, comme des embûches dédiées aux voyageurs distraits qui écoutent sans porter attention. Lors du contact la décharge est telle qu'on est aisément rebuté. Cependant, les auditeurs plus attentifs et concentrés sauront manoeuvrer dans cette course à obstacle sonore et reconnaîtront la beauté de ce disque. Un grand disque, brutal, urbain, expérimental, ancré dans des courant musicaux intransigeants qui ont su marquer la musique.

L'utilisation de la distorsion sur le saxophone est superbe, Sam Hillmer n'est surement pas le meilleur jouer, mais son jeu gagne tellement en intensité qu'il parvient à nous donner la chair de poule surtout lors des vingt minutes de la pièce titre. Par chance des pièces plus tranquilles viennent créer une brèche dans cet assaut délirant. Ainsi, la superbe "Masonry" vient nous offrir un moment de repos tout en douceur et les deux pièces qui clôturent le disque "Black Crown Ceremony I et II" sont plus retenue, les percussions sont quasi absentes et on se fait traîner dans un univers beaucoup plus ambiant. Sombre , mais ambiant. Finalement, le battage de mains qui m'avait impressionner semble se retrouver sur la pièce "Acres of Sin", un morceau rythmique hallucinant.

jeudi 17 juin 2010

Peeesseye & Talibam! (Invada records 2010)



J'ai entendu parler de Peeesseye lors de leur passage au festival de Victo en 2008. À ce moment, c'était le seul spectacle qui avait attiré mon attention, seulement, la perspective de dépenser 30$ pour ce show, sans compter les deux heures de trajet, ont refroidi considérablement mes ardeurs. J'ai quand même fait mes recherches et déniché deux de leurs albums sur le label Evolving Ear soit, "Commuting between the surface & the underworld" et "Mayhem in the Mansion". Deux excellents disques de folk/noise très sombre, où les trois musiciens de Peeesseye ne rebutent pas attaquer l'abstraction de plein front. D'ailleurs, c'est surement grâce au label Evolving ear que ces deux groupes ont fait connaissance (ou ils se connaissaient déjà), Talibam! ayant fait paraître un cd-r sur ce label.

Les gens qui s'intéressent sérieusement à la musique expérimentale et au free-jazz ont surement entendu parler du duo Talibam!. Depuis près de deux ans, le tandem de Kevin Shea au drums et Matt Mottel aux claviers, fait considérablement parler de lui. Ils cumulent les albums abrasifs de musique improvisée ainsi que des collaborations avec des jazzmen aux mêmes affinités qu'eux. D'ailleurs, ils font parti des quelques groupes contemporains ayant sorti un disque sur le label ESP depuis la reprise de leurs activités l'année dernière. Il và sans dire que Talibam! attire l'attention mais la mienne est passée à côté, trouvant leur free-jazz trop bruitiste et énergique pour m'inciter à acheter un de leur disque.

C'est donc Peeesseye qui m'a convaincu de prendre une chance avec ce disque. Et quelle chance... Ce disque est tout simplement phénoménal. Et je pèse mes mots. Une sublime collaboration entre des artistes partageant une esthétique similaire. Un joyeux mélange de rock, jazz, folk et noise dans un tourbillon multicolore nous propulse dès la première pièce dans un monde complètement excitant. La première pièce "You tried (to eat it)" est supportée par une rythmique dynamique très rock, un riff de guitare monstrueux et des claviers tellement entraînant que je ne peux réprimer un sourire quand la toune démarre pour de bon. Je ne sais pas ce qu'ils ont essayé de manger mais quelqu'un ne semble pas apprécier. Cette pièce à elle seule vaut le disque et ce qui s'ensuit est tout aussi bon. Outre les claviers et le drums, le trio de John Forsythe, Jamie Fennelly et Fritz Welch joue principalement des électroniques indiscernables, de la guitare et des percussions. Ils jouent aussi surement d'autres choses mais l'absence d'infos sur ce disque nous laisse avec le jeu du : "devine les sons qui sont sur ce disque", jeu auquel je n'excelle pas beaucoup.



Enregistré en deux jours, ce disque est focusé en une direction commune; celle qui se dirige à l'extrême des genres et qui se fiche bien où cela peut les mener. Ici,le qualificatif "fusion" veut dire vraiment autre chose que ce à quoi on s'est habitué. Les pièces se fondent les unes dans les autres sans accrochages majeurs et les musiciens nous apparaissent hautement à l'écoute de ce qui se passe. Je crois bien qu'il s'agit de sessions d'improvisation et si c'est le cas, c'est de la haute voltige. Le free-jazz de l'ère "Fire Music" est finalement en train de se redéfinir avec des musiciens d'une autre génération qui osent incorporer leurs influences et les nouveau genres. Le seul point faible est la pièce "Everything for Everyone", un morceau plus noise avec des paroles "démoniaques" tenant des propos peu intéressants sur leur besoin de demeurer sans visage dans ce monde de l'identité afin d'être tous et chacun...bof... Mais par chance cette voix ne dure pas très longtemps et est sauvée en partie par le support d'un autre vocaliste qui récite les mêmes paroles mais de façon plus chantée et sans les effets démoniaques. Mais le reste est de la bombe. Le terme psychédélique s'applique ici mais je manque de qualificatifs pour définir ce que j'entends, surtout dans les moments les plus doux de guitare accompagnés de drones et de claviers mélodiques, tout en demeurant abrasif. L'intensité et les moments plus réfléchis se côtoient sans heurts et font de ce disque une oeuvre de musique improvisée s'inscrivant dans la tradition du free-jazz mais se permettant également de redéfinir le genre.


Talibam! est en spectacle dimanche au Souoni Per Il Ppolo avec les groupes locaux Tonsstartbands et Panopticon Eyelids. À la Casa.

jeudi 10 juin 2010

Que faire de la poésie...


Un des plus beau exemples de branding des cinq dernières années s'est fait dans la musique. Happant au détour la poésie et l'art oratoire. Il s'agit du terme "Slam" qui est mis en cause. Depuis environ cinq ans, on dirait que le terme s'est instillé dans le vocabulaire québécois créant de superbes expressions telles : "T'as fait un bon slam" lorsque , par exemple, je ne faisais que rapper. avant qu'on nous exporte Grand Corps Malade, pas beaucoup de gens au Québec avaient entendu parlé du Slam. D'ailleurs, je crois qu'avant 2000, ceux qui s'y intéressaient venaient 1) du rap, ou 2) étaient anglophones. Pour moi, le terme slam a été défini par le film du même nom, mettant en vedette Saul Williams, que je considérais comme un rappeur (et que je considère toujours comme tel)et que j'admirais préalablement au visionnement du film. Dans ce film, il participe à une soirée Slam, telle qu'elles existaient depuis plusieurs décennies et existent toujours par ailleurs. C'est-à-dire une joute oratoire, avec des règles, des juges, des points attribués. Le slam n'est pas un style de musique et encore moins un sous-produit de la poésie. Mais les temps changent et les définitions aussi, les mouvements de masse étant plus fort que celui de particuliers qui s'évertuent à rétablir les choses. Maintenant si on me dit que je fais du slam, je réponds parfois oui, parfois non, dépendamment de mon humeur.



c'est dommage qu'on n'ait pas parlé du slam plus tôt au Québec, ou non, c'est dommage que l'art oratoire, la poésie parlée n'ait pas eu de vitrine plus intéressante. Il a fallu le succès commercial d'un artiste français pour qu'on embarque dans le "bandwagon", comme on dit. Dommage car on est passé à côté de pleins de trucs, surtout anglophones (mais ça c'est un autre débat): les Coco Café, la poétesse/mc Buttafly, Alexis O'Hara, Ian Ferrier, Patrice Desbiens et pleins d'autres que j'ignore.

Le slam au Québec est décontextualisé, la nécessité de l'utiliser pour traduire un style musical est, me semble-t-il un aberration. Parce que, tenez-le-vous pour dit, de la poésie parlée, rythmée sur de la musique, qui n'est pas nécessairement du rap, ben il en a eu, en France de surcroît et il y a pas si longtemps. Un collègue mélomane français a attiré mon attention vers un groupe que je ne connaissais pas du tout et sur leur premier album en particulier. Il s'agit du groupe Programme et de leur disque "Le cerveau à la place de la bouche". Vous en vouliez du slam? En voilà. Du foutrement bon; des textes acides sur des musiques expérimentales intéressantes et c'est sorti en....... 2000. donc au moins 6 ans avant qu'on entende parler de notre ami Fabien Marceau. Leur site est très intéressant et vaut le coup d'oeil.

Un autre album intéressant dans le même genre, sorti en 2005, est celui de Non-Stop "Road movie en béquilles". Je suis prêt à parier que mes concitoyens québécois n'ont jamais, mais jamais entendu parler de ce type. Pourtant c'est aussi excellent. Ce disque contient un chef d'oeuvre, la pièce "Le fils du soldat inconnu" est une histoire initiatique Lynchéenne narrée sur un fond musical sobre mais totalement captivant. C'est disons, plus hip-hop dans la rythmique des morceaux et le chanteur plus près du rap que Programme. c'est un disque que Martial, le disquaire du Total Heaven à Bordeaux m'avait suggéré.



Tout ça pour en venir à parler des groupes français qui oscillent dangereusement entre le rap et ce qu'on nomme le slam. Le groupe Psykick Lyrikah par exemple est tout simplement génial. Découvert par hasard sur un blog hip-hop français, j'ai fait des pieds et des mains pour me procurer les albums de ce groupe Rennais et leur plus récent, "Vu d'ici", était en tête de liste des disques à acheter lors de ma première tournée en France en 2008. C'est le rappeur Arm qui est le plus intéressant dans ce projet. Les beats sont supers, mais sa poésie est dense et ses images des plus suggestives. Il y a une noirceur incroyable à ces disques... Mon préféré reste le premier : "Des lumières sous la pluie".



Plus récemment, c'est le premier disque du groupe No: "Diagone" qui vient dans cette alternative référentielle où le rap se veut plus poétique, moins rythmique et où les rimes sont plus scandées comme des slogans que "flowées", si je peux me permettre l'expression. Seb Casino, la rappeur musicien derrière ce projet propose une musique sombre, près de l'industrielle mais avec une teinte parfois noise, parfois baroque (notez la présence de clavecin). Vraiment un disque intéressant qui se démarque du rap français conventionnel. Seul point faible, ce flow parfois scandé qui rappelle une technique un peu primitive, propre à un rap français plus old-school début 90.

Mais est-ce du slam? NON!!! Arrêtez. No c'est du rap, comme Héliodrome est du rap. Exemple criant; après ma performance au Festival de musique Actuelle de Victoriaville avec les Filles Électriques,le 21 mai dernier, un québécois francophone vient me féliciter pour mon slam, tandis que quelques instants plus tard,un amateur américain lui vient me féliciter pour mon rap... Autre exemple intéressant, propre au Québec cependant: On m'a proposé d'écrire un texte sur la vie de Miles Davis. Une amie québécoise trouve cela inaccessible, trop hermétique mais le producteur, un français soit dit en passant, trouve ça super bon... Car une chose qui est propre au slam, c'est de rendre la poésie accessible, simple, utilisant des mots pouvant être compris de tous. Et cela s'inscrit directement dans la veine du malaise culturel québecois, où tout doit être accessible et où on se refuse une certaine forme d'élitisme. Aussi, l'élément de référence culturelle y est majeur dans la définition qu'on fait des mots et des genres. Doit-on continuer à se battre pour se sortir de la définition fourre-tout du slam?

Soit dit en passant, je serais en spectacle sous la tente "Slam pepsi" des Francofolies de Montréal le samedi 12 juin à 19h, avec le projet de poésie et musique expérimental Erlenmeyer. Accessible la poésie? Pas sûr...