lundi 15 août 2011

Lewis Parker: "Masquerades & Silhouettes" (Melankolic, 1998)




Je ne l'avais pas vu arriver. Quand on m'a parlé de Lewis Parker pour la première fois, j'ai tout de suite pensé à un jazzman. Quand j'ai vu le disque, mon impression ne faisait que se confirmer. Mais on m'a assuré que c'était bien du rap, du bon. Que je pouvais glisser le cd dans mon lecteur et que je ne serais pas déçu. Qu'il s'agissait d'un grand album; cohérent, travaillé, des bons beats et des textes réfléchis. On m'avait dit la vérité. À partir de ce moment, "Masquerades & Silhouettes" m'a suivi partout en cassette, comme la trame sonore de la fin du millénaire, en symbiose avec mes préoccupations et mes questionnements.



En fouillant un peu, on voit que plusieurs amateurs partagent cette opinion, que ce premier album de Lewis Parker s'est imposé avec le temps comme un classique du rap U.K., au même titre que "Brand New Second Hand" de Roots Manuva. Sauf que le label ayant sorti ce disque n'avait rien à voir avec Big Dada et Ninja Tune, c'était plutôt le label du groupe Massive Attack, Melankolic, division de Virgin. Avec ce label, les musiciens de Massive Attack souhaitaient faire connaître des artistes underground de Londres, leurs collaborateurs ou des musiciens méconnus méritant une vitrine à plus grande échelle. Une équipe expérimentée était derrière le label et ils avaient les moyens de leurs ambitions; l'utilisation des échantillons est légale.

Ce qui frappe d'abord est la superbe direction artistique d'un certain Stephen Male; l'esthétique visuelle de la pochette est irréprochable, un clin d'oeil aux couvertures de LP de jazz avec seulement une silhouette qui marche sur la grève, souliers à la main. Rien de bien hip-hop... Surplombé d'une typographie classique avec un sous-titre qui nous éloigne encore de nos habitudes: "The Ancient Series One" (Il était supposé avoir toute une série d'albums de Lewis Parker mais finalement ça ne semble pas s'être concrétisé, il y a eu le "Ancient Series Three", mais pas de deux...). La production est assurée par Parker lui-même mais il est aidé par The Sea sur la prod additionnelle. J'ai comme l'impression que c'est cet apport qui scelle ce disque d'une formidable cohérence au niveau sonore. Peu de featurings aussi, seulement un certain Supa T sur deux pièces et la présence de DJ Bias sur la plupart des morceaux. Au résultat, un disque court; 8 chansons, 36 minutes, frôlant la perfection.



Lewis Parker se présente sous des crépitements de vinyles et des breaks poussiéreux, envoûtants, épousant les formes de sa mystique. C'est un rappeur en mission, qui développe au travers de ses chansons une trame narrative où il traverse le désert des faux-semblants pour pourfendre les wack mc's. Représentant d'un hip-hop libéré de ses artifices, son combat fait écho à celui de ses homologues américains avec les débuts d'Anticon, de Mush et d'une certaine intelligentsia underground américaine (New-Yorkaise principalement). Sauf que Parker est plus mélodique, plus lyrique et semble être moins nourri d'agressivité. Il reste calme et posé sur l'ensemble de l'album, laissant transparaître une attitude détachée, s'élevant au-dessus de la situation trompeuse du Hip-Hop de l'époque. De plus, il prône une transcendance, l'illumination pour accéder au savoir qui permet de distinguer le faux du vrai. Avec le recul cependant, on se rend compte que l'outillage de ses métaphore est un peu puérile; des métaphores de chevaliers, de jedis, "la force", le troisième oeil, etc. Rien de bien substantiel au final. Des clichés d'une spiritualité de masse, plus proche de la culture populaire que ceux véhiculé par Kunga 219 dans "Tharpa's Transcript" (par exemple).



Parker joue la carte du mystique sans trop approfondir. En gardant les concepts superficiels, il se garantit d'être compris par un plus grand nombre de personnes. Il parvient à écrire des textes hybrides entre la quête spirituelle véritable et les préoccupations futiles d'un jeune artiste hip-hop londonien. Mais comme beaucoup d'autres sa droiture spirituelle s'est affaissé après son premier disque (un peu comme Kunga 219, d'ailleurs...). Difficile de garder cette ligne directrice, surtout pour des considérations artistiques. Ça ne prends pas de temps avant de redevenir qu'un humain comme les autres. Pour la majorité des jeunes rappeurs qui ont exploré cette branche, le résultat est le même; ils finissent toujours par se heurter au dur sol de la réalité. Pas de pouvoirs extra-sensoriels, pas de complots, pas de magie. Juste leur pauvre égo aux prises avec la même réalité que tous les autres. On peut toujours se faire croire des choses, reste que la réalité nous rattrape toujours.


Aucun commentaire:

Publier un commentaire