dimanche 8 avril 2012

Matthew De Gennaro: "Adversaria" (TU-134, 2011)


Je commence à être nostalgique du folk expérimental. Je ne peux réprimer un mouvement de dédain face aux tangentes traversant de part en part la musique expérimentale contemporaine. On dirait que beaucoup de musiciens expérimentaux se tournent vers les synthétiseurs analogues et se contentent de longues nappes sonores planantes à la Klaus Schulze et, sous le couvert du psychédélisme, contribuent à maintenir le dormeur dans un état comateux, à l'image de ce malaise social qu'est l'indifférence généralisée. Le dormeur doit continuer à rêver, et il construit des dispositifs qui préviennent les stimulis externes de le réveiller. J'imagine que c'est ce qui motive mon retour à la musique folk, celle qui demande à l'homme de se détacher de la machine et d'empoigner un instrument vibrant.

En 2005, le label Last Visible Dog (LVD), avait fait paraître la gargantuesque compilation "Invisible Pyramid elegy box set", un boîtier de six cd's regroupant la crème de cette nouvelle scène de musique expérimentale qui étaient en train de bouillonner en parallèle avec la nouvelle culture des cd-r. Les gens de LVD ont ratissé large et ont su regrouper sur cette compilation des noms qui tardaient à se faire connaître, à être nommés. Depuis, le label a fait paraître de nombreux albums de ces artistes et bien d'autres. Cependant, avec le déclin de la vente des cd's leurs activités ont grandement diminuées. Leur catalogue entier est en vente au coût de 80$ et on peut acheter sur leur site les cd's individuels à 5$ chacun (avis aux amateurs). Cette longue introduction sert en mettre en scène la découverte que j'ai fait sur cette compilation du guitariste Matthew De Gennaro, qui a aussi fait paraître l'album solo "Humbled Down" sur ce même label. De Gennaro a aussi collaboré avec Alastair Galbraith sur le remarquable disque "Long Wires in Dark Museums vol.1", une collection de drones acoustiques et musicaux.





"Adversaria" est le plus récent disque de De Gennaro et parvient à faire vibrer mon âme. La dernière fois que j'ai éprouvé un tel sentiment, c'était avec le disque de Richard Skelton, dont j'ai parlé dans ce blog. Un superbe album qui est parvenu à s'imposer comme la trame sonore de mes journées. "Adversaria" possède aussi cette qualité cinématographique mais frôlant de plus près l'idiome folk. Il émane de cette musique des images de plaines et de désert, de forêts désolées, invitant l'auditeur à se matérialiser dans un genre de western méditatif, dans la même lignée que les films (et leurs trames sonores) "The Hired Hand" et "The Proposition". On y ressent une émotion à fleur de peau, aiguisée par les guitares acoustiques, le banjo, la viole de gambe (ou violon?), quelques effets électroniques et un harmonium essoufflé. On est facilement invité à rêver, à se perdre devant l'immensité d'un paysage désert. Une trame sonore qui permet de nous éloigner de la ville, de retrouver le calme et renouer avec la contemplation, trop souvent absente de nos vies. Contempler n'est pas dormir et encore moins rêver. Ce ne sont pas les mêmes mécanismes qui sont à l'oeuvre. Cette action nécessite un degré de conscience différent, un état d'éveil qui ne nous confronte pas à un paysage synthétique, mais permet de nous en retirer en tant que Sujet. Une musique qui évoque plutôt des scènes qui rendent compte de l'absence et du silence technologique de l'homme; sa propre absence et son aphasie.



On peut télécharger des disques précédents de De Gennaro ici. et en écouter .

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