mercredi 25 juillet 2012

Steven R. Smith :"Old Skete" (Worstward Recordings, 2011)

Quand j'ai découvert le Jewelled Antler Collective dans les pages du magazine Wire, le nom de Steven R. Smith est vite devenu un incontournable. Que ce soit au sein du groupe drone-folk Thuja, aux odeurs de sphaigne, d'aiguilles de pin et de lichen, à la barre de son projet folk Hala Strana, puisant son inspiration dans des musiques traditionnelles de l'Europe de l'est ou du Caucase, dans ses projets un peu plus lourds que sont Ulaan Kohl et Ulaan Markhor, ce musicien a su développer son talent et donner du poids à sa créativité. Cependant, c'est en solo et sous son vrai nom que j'ai trouvé qu'il se démarquait le plus, les projets qui m'ont le plus intéressés sont ceux qu'il a exécuté sans masques ni pseudonymes. De plus, je ne peux passé sous silence le duo que forme Smith avec le clarinettiste Gareth Davis. Ceux-ci ont produit deux excellents albums; soit "The Line Across" en 2010 sur le label alt.vinyl et "Westering" paru sur Important en 2009. Ce dernier est d'ailleurs un de mes disques préférés. Même s'il se définit comme multi-instrumentiste, c'est à la guitare que Smith préfère se faire valoir. Il a fait paraître plusieurs disques de guitare solo, mais deux que j'ai particulièrement adoré sont "Owl",sur Digitalis, un disque plus près du folk americain où Smith se permet de chanter tout en retenue. C'est surtout l'excellent "The Anchorite" paru sous Root Strata qui m'a laissé une profonde impression. Un peu plus expérimental dans l'exécution, cet album entre de plein pied dans le psychédélisme en mariant bourdons sonores et mélodies à perfection. Le titre mérite cependant une explication. Un anachorète est un mystique, un pénitent, qui se retirait dans le désert pour pratiquer la prière. L'anachorète adopte évidemment un mode de vie ascétique. Ce fil conducteur nous emmène au plus récent disque de Steven R. Smith intitulé "Old Skete", ou vieil ascète pour un traduction approximative en français. Le terme "Skete" fait référence plus particulièrement à la tradition ascétique copte orthodoxe. Un des hauts lieu de cette tradition est la région de Wadi Natrun située en Égypte, un endroit qui vaut vraiment la peine d'être visité. Parmi ces monastères, il y a celui de la Vierge Marie (ou le monastère Syrien). Je me souviens que lorsque j'y suis allé, un moine nous faisait faire la visite et nous nous sommes arrêtés devant une superbe porte de bois sculpté, dans la chapelle. Cette porte daterait du 9e siècle après Jésus Christ et six croix différentes y étaient sculptées. Son explication était intéressante jusqu'à ce qu'il s'arrête sur ce qui, de toute évidence, représentait une swatiska, symbole religieux hindou remontant à près de 5000 ans. Le bon moine s'est alors mis en tête de nous expliquer la signification de cette croix, sans jamais faire référence à l'hindouisme, en disant qu'il s'agissait d'une croix aux branches cassées qui représentait la perte de la Foi, et c'est cette croix qui aurait inspiré Hitler... Décidément, être un moine comporte des risques, surtout lorsqu'on entreprend une réinterprétation de l'histoire selon une théologie christocentrique. Ce faisant on exclus les autres traditions et ont se retrouve à faire l'étalage de l'ignorance plutôt que de la vérité. Sur "Old Skete", Steven R. Smith agit à l'opposé; il ne tente pas de réinterpréter ou de d'inventer une mythologie. Il construit plutôt des fragments de vérité basés sur contenu simple et vérifiable, affirmant une certaine humilité face à l'immensité de la création musicale. Les morceaux composant l'album n'ont pas de titres, seulement numérotés de 1 à 11 et apparaissent comme des esquisses, des bribes de luminosités se faufilant à travers les fissures de la caverne de Saint Bishoy. Les mélodies sont simples, vaguement familières et dénuées d'effets sonores. Une guitare, une pédale d'overdrive et un ampli avec du reverb, c'est tout. Aucune parole, aucune trame narrative; dans le désert de la solitude peu d'interlocuteurs, seulement des fragments de musiques qui nous hantent et qui demandent à être joués. De plus, cet album est un exemple parfait que l'appréciation de la musique ne réside pas toujours dans la complexité. "Old Skete" reste calqué au rythme de vie monastique de ces moines coptes, qui vont avec lenteur, sans empressement, se permettant de goûter chaque instant dans sa totalité.

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